UN PEU D'HISTOIRE : LE/LA CONCIERGE
Mais ne devrait-on pas plutôt dire "gardienne" pour respecter les canons actuels du politiquement correct ? Depuis toujours, le concierge incarne celui qui a la garde d'un bâtiment important : une définition attestée dès le XIIème siècle sous sa forme latinisante cumcerge ou l'une de ses nombreuses déclinaisons :consierge, concerge, concherge, conciarge, consirge...
Il s'agit d'un gardien, certes, mais aussi d'un garde, d'un conservateur voire du défenseur d'un lieu ! Un office considérable que s'arrachaient les plus nobles. En voici une définition à l'époque dans le dictionnaire du moyen français : "Ceux qui sont commis par les seigneurs à garder leurs hostels durant qu'ils sont hors du pays et qui ont la maison en garde et en cure".
UN NOM MAL PORTE
Il semble indiscutable que notre concierge est le digne héritier du portier/portière, un terme connu depuis la nuit des temps car ordre mineur dans le christianisme ; et toujours d'actualité au XIXème siècle, attesté chez Balzac ou Maurice Leblanc notamment, puisqu'il désignait, à juste titre, celui qui garde la porte d'une maison ; une appellation qui dut certainement sa disparition à l'analogie peu flatteuse à une portière.... de véhicule.
Pour l'anecdote, savez-vous qu'à cette époque, certains immeubles étaient fermés à clef jour et nuit et que seule la concierge pouvait en déclencher l'ouverture ? Obligeant ainsi propriétaires et locataires à "demander le cordon" à toute heure sans égard pour le repos de notre portière.
DE LA PORTERIE A LA CONCIERGERIE
Par glissement honorifique, eh oui, c'était flatteur en ce temps-là ! la portière devient concierge dans son acception actuelle, au tournant des XIXè et XXè siècles. Ce qui n' empêcha pas la vox populi de lui trouver mille et un surnoms dont le plus visité en littérature, bignole, est directement issu du verbe bignoler ou bigner qui signifie loucher et, par extension, regarder de façon plus ou moins discrète.
Et si la portière habite la porterie, la concierge loge à la conciergerie. Il s'agissait, autrefois, d'un petit bâtiment situé à l'entrée du château, près du pont-levis le cas échéant, permettant ainsi au concierge d'identifier le nouvel arrivant et d'abaisser le pont mobile au-dessus des fossés défensifs. Ce même bâtiment servait de geôle aux auteurs des menus larcins commis au château. Et vous aurez immédiatement compris que le célèbre bâtiment parisien éponyme se trouvait, à l'origine, la demeure du concierge du Palais de Justice de Paris, et par ailleurs, le lieu de détention des prévenus en attente de jugement. Tout s'explique !
Mais ce beau vocable n'allait pas résister à la mode délirante de l'euphémisme qui transformera, en cette seconde moitié du XXè siècle, le balayeur en technicien de surface, le vendeur en ingénieur technico-commercial, et notre concierge en... gardienne.
L'ANGE GARDIEN
Aujourd'hui, on associe l'appellation gardien plutôt à un gardien de prison ou à un gardien de nuit voire à un gardien de la paix autrement dit des professions qui ne diffusent pas forcément une image positive. Nonobstant cela, au cours des années 70, nos empereurs des médias crurent bon de le substituer à "concierge", se référant à ses aspects les plus positifs : père gardien d'un couvent ou même ange gardien.
QUAND L'HISTOIRE BEGAIE
Par un (prévisible) retournement de l'histoire, voilà que le XXIème siècle remet au goût du jour le joli mot "concierge". On peut donc espérer qu'après avoir connu un sens flatteur puis péjoratif et aujourd'hui neutre, l'appellation concierge revienne en force et que le célèbre panneau "La concierge est dans l'escalier" réapparaisse à la porte de nos loges !